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La réforme des retraites : Pourquoi la grève chez les avocats ?

Le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers ont annoncé, hier, que la rencontre avec la garde des Sceaux et le secrétaire d’État en charge des retraites, qui avait eu lieu plus tôt dans la matinée, n’avait donné lieu « à aucune nouvelle proposition » pour la profession d’avocat.

« Les projets de loi restent donc inacceptables », a déclaré le triumvirat dans un communiqué commun (voir documents joints). « Nous avons exigé que des propositions soient formulées, que des garanties solides soient données pour préserver l’autonomie de notre régime et que les avocats ne perdent pas un euro », a résumé Christiane Féral-Schuhl, en sortant de la Chancellerie, place Vendôme.

De son côté, le ministère a évoqué « une réunion de travail constructive » et a confirmé qu’« un courrier faisant part des pistes de propositions » serait envoyé dans la soirée, hier lundi 13 janvier, ou aujourd’hui, mardi 14 janvier.

« La mobilisation des avocats et leur détermination sont totales », concluent les instances. Les barreaux français ont annoncé maintenir la grève, notamment celui de Lyon où se déroule le procès du prêtre Preynat, qui a dû être renvoyé d’une journée, hier, en raison de la grève et la suspension des robes sur les balustrades du TGI.

Mais pourquoi faisons nous grève ?

Pas pour faire plaisir en tout cas, encore moins pour prolonger les vacances.

Le Gouvernement joue sur du velours, et ses éléments de langage lui sont servis sur un plateau : une profession de nantis s’accroche à ses privilèges probablement fort coûteux pour la collectivité et refuse une réforme voulant mettre tous les citoyens sur un pied d’égalité en supprimant les régimes spéciaux et en alignant tout le monde sur un régime général. Méchants, méchants avocats, bourgeois égoïstes. Quelques idiots utiles qui ont perdu leur procès ou subi un divorce qui n’a pas tourné à leur avantage viendront en renfort vider leur rancœur. On a l’habitude.

Le régime de retraite des avocats est un régime autonome. Pas spécial, autonome. La caisse de retraite des avocats s’appelle la Caisse nationale des barreaux de France, CNBF. Rien à voir avec le Conseil National des barreaux (CNB) qui représente la profession au niveau national, même si leurs noms se ressemblent.

La CNBF a des racines anciennes puisque dès l’ancien régime les avocats pouvaient faire payer à leurs clients un droit de plaidoirie (qui existe encore aujourd’hui, et qui est de 13 euros par audience, dû même si vous êtes à l’aide juridictionnelle depuis 2011 (avant, l’Etat l’acquittait, mais n’oubliez jamais qu’il ne répugne à rien plus qu’à payer pour les pauvres). En pratique, ce droit n’est quasiment jamais réclamé (je ne connais aucun confrère qui le fasse), et nous en somme de 13 euros de notre poche que nous prélevons sur l’indemnité d’AJ qui elle est forfaitaire quel que soit le nombre d’audiences.

La loi du 31 décembre 1921 a créé les caisses de prévoyance des avocats, gérées par chaque ordre et qui percevait le droit de plaidoirie. Mais les pensions servies variaient considérablement d’un barreau à l’autre et celle des petits barreaux étaient faméliques. la CNBF a été créée en 1948 pour réunir toutes ces caisses en une seule, et deviendra autonome en 1954.

Autonome, qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie qu’elle fonctionne sur un mode qui lui est propre et qui est que chaque avocat cotise en fonction de ses revenus (14% du bénéfice net pour la première tranche, avec pour les avocats en déficit un minimum de cotisation) et sert la même pension à tout le monde. La pension est actuellement de l’ordre de 1416 euros par mois (il est possible d’opter pour une complémentaire, en cotisant plus, pour avoir une pension plus élevée, le choix étant irrévocable). Cela veut dire que notre profession sert la même pension à l’avocat qui a travaillé sans s’arrêter qu’au confrère qui a dû s’arrêter plusieurs années pour soigner un cancer qu’à l’avocate qui a pris des congés maternités. Pas de référence aux six derniers mois ou aux 25 meilleures années.

Elle est abondée uniquement par les avocats. Elle ne touche aucune subvention, aucun versement de l’Etat. A charge pour elle d’être à l’équilibre. Et à l’équilibre, elle l’est. Elle a même constitué des réserves de l’ordre de deux milliards d’euros pour anticiper le choc démographique que va constituer l’arrivée massive à la retraite des avocats dans une profession dont le nombre est en train d’exploser. Au 1er janvier 2006, il y avait 45818 avocats. Au 1er janvier 2016, il y avait 63923 avocats. Et cette tendance ne diminue en rien. Ses comptes prévisionnels garantissent cet équilibre pour les cinquante prochaines années.

Cette gestion saine et ces réserves sont bien évidemment déterminante dans l’arrêt de mort qui la frappe : en fusionnant la CNBF dans un régime général, les réserves seront englouties et ne serviront finalement qu’à une chose : diminuer le déficit des caisses de retraite l’année de la fusion, ce qui permettra au Gouvernement de parader en montrant que son excellente réforme a sauvé les retraites puisque le déficit a déjà baissé. Puis l’année prochaine, le déficit replongera de deux milliards, mais on parlera d’autre chose. Une opération à deux milliards sur le dos des avocats

Je ne pense pas que c’est égoïste de notre part de garder notre régime qui fonctionne si bien et de laisser les autres encaisser le choc démographique lié au baby-boom. Tout d’abord parce que la réalité est toute autre : la CNBF participe à la solidarité nationale par le mécanisme de péréquation. La CNBF verse au régime général chaque année entre 80 et 100 millions d’euros au régime général, sans aucune contrepartie. Cela fait entre 1.200 et 1.500 euros par avocat et par an de participation sans contrepartie au régime général des retraites. On ne demande pas qu’on nous dise merci, juste qu’on ne nous traite pas d’égoïstes.

Passer au régime universel serait dramatique : le taux de cotisation pour la première tranche passerait de 14 à 28%, un doublement pur et simple. Les tranches supérieures seront moins taxées par rapport à la situation actuelle, ce qui fait que cette réforme promet d’être avantageuse pour la petite frange des avocats les plus riches et de compromettre la survie des petites structures les plus modestes, qui sont dans les zones les plus pauvres du territoire, et qui concernent les plus jeunes. La pension de base quant à elle passerait de 1400 à environ 1000 euros. Perdants sur tous les tableaux.

Rappelons que nos honoraires sont fixés librement en accord avec le client. Le risque avec cette réforme est d’effectuer un transfert de charge chez nos clients, et même si nous vous aimons du bon du coeur, nous n’allons pas accepter la diminution de nos revenus qu’entraine cette réforme car personne n’accepterait de gagner 14% de moins pour toucher une pension de retraite moindre. Cette augmentation, nous allons dans la mesure du possible la transférer à nos clients en augmentant nos honoraires. Pour les entreprises, ça passera aisément. Ce sera douloureux pour les particuliers. Et si vous pensez que ça ne vous concerne pas car vous ne pensez pas avoir besoin de notre aide un jour, sachez que tous nos clients pensent la même chose jusqu’au jour où ils sonnent à notre porte.

Alors oui, qu’on nous laisse notre régime autonome, égalitaire, solidaire et équilibré, qui participe déjà et continuera à soutenir le régime général.

Qu’on nous laisse exister dans notre diversité : petite, moyenne, grande structure, individuel ou en société car cette réforme tue les petits cabinets.

Qu’on nous laisse exister et pratiquer notre métier qu’on aime. Nous sommes une profession altruiste, et nous voulons être respecté car chaque année on veut tuer l’aide juridictionnelle pour les plus pauvres et on  cherche à nous taxer davantage (souvenez-vous de la taxe sur le chiffre d’affaires sous Taubira).

Nous participons à l’élaboration de la justice, au même titre que les Magistrats et Greffiers.

Sans nous, il n’y a pas de Justice.

Sans petits cabinets, les justiciables les plus pauvres n’en auront plus jamais accès.

Et sans justice, il n’y a point de démocratie.

Nous continuerons à faire grève et nous sommes déterminés. Nous ne fléchirons pas car l’enjeu c’est la survie de notre profession.

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